• Petite histoire de la côte Caraïbe

    Jusqu'au milieu du XIXe siècle, la côte caraïbe était quasi inhabitée, si ce ne sont quelques tribus indiennes.

    Sans doute y-avait-il une sorte d'ironie à nommer cette nouvelle terre, Costa Rica, "la côte riche". Ce nom a été attribué à Christophe Colomb qui a découvert la terre lors de son quatrième et dernier voyage en 1502. Son journal a été perdu si bien que personne ne sait réellement d'où cette appellation étrange est issue. La seule trace écrite date d'une lettre de 1543 du gouverneur local à la couronne espagnole. Certains pensent que le nom était peut-être la traduction d'un nom indigène. Les conquistadors furent attirés par le récit onirique que Colomb fit de son voyage. En lieu et place des palais d'or et des cités mythiques, ils découvrirent une terre de volcans et de jungle où sévissaient les maladies tropicales et couraient de biens étranges animaux. Les premières colonies s'installèrent sur le plateau central où le climat plus clément était propice à la culture et l'élevage.

    Bien des siècles plus tard, lorsque la terre devint habitable pour les colons, la culture du café se développa et fut encouragée par le gouvernment. Celui-ci offrait des plants et des terres aux agriculteurs. L'enclavement de la vallée centrale limitait les débouchées vers l'Europe, si bien que les grains étaient acheminés au Panama (via Puntarenas sur la côte Pacifique) où ils étaient traités et envoyés en Europe. Là aussi, le voyage vers l'Europe était périlleux : le canal n'a été opérationnel qu'en 1914, avant cela, il devait passer par le Cap Horn !

    Les barons du café formaient des minis-états. Il battaient leur propre monnaie qu'ils distribuaient aux employés de leurs haciendas. Très souvent, ils se lançaient par la suite en politique où ils étaient gouverneurs, sénateurs ou même présidents de la république.

    Malgré un commerce florissant, les grands propriétaires avaient saisi que l'intermédiaire panaméen leur était préjudiciable. La côte Caraïbe fut sondée et l'endroit qui est devenu le port de Limon fut élu comme le seul de la côte caraïbe capable d'accueillir des bâteaux, parce que situé en eaux profondes. Il pourrait permettre d'acheminer des marchandises en Europe. Mais, pour le rejoindre il fallait traverser un "enfer vert", succession de montagnes, de marécages et de fôrêts humides peu hospitalières. C'était long, difficile et la marchandise pouvait se gâter. Pour le café, c'était inimaginable. Aujourd'hui encore, cette région du Costa Rica est peu peuplée.

    En 1840, des propriétaires réussirent à convaincre le capitaine du Monarch de prendre avec lui quelques sacs de café pour les proposer à Londres. Le succès fut immédiat. Le débouché trouvé, il s'agissait désormais d'assurer une liaison régulière et de qualité entre San José et la côte caraïbe. Le rail paraissait la solution la plus efficace.

    Les barons firent plusieurs essais infructueux avec des équipes qui abandonnèrent rapidement. Personne ne voulait se lancer. La forêt se refermait derrière ceux qui se lançaient à sa conquête. Il fallait des hommes en quantité. Il fallait les ravitailler. La logistique de l'opération devait être soigneusement étudiée.

    En 1871, Henry Meiggs signe un contrat avec le gouvernement pour la construction de la voie ferrée San José - Puerto Limon. Dès son commencement, la tâche est titanesque, si bien que le spécialiste du chemin de fer fait appel à toute sa famille. Parmi elle, son neveu, Minor Cooper Keith, qui terminera le contrat.

     

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    Sur la route entre San José et Limon

    Les 25 premiers miles donnent une idée de l'ampleur de la tâche et de son coût humain : près de 400 ouvriers sont emportés par les maladies tropicales, dont trois des frères de Minor Keith.

    Henry Meiggs s'occupe d'autre lignes de chemins de fer un peu partout en Amérique du Sud, au Chili et au Pérou, où il devient un petit dictateur. En 1877, il décède à Lima, Minor Keith devient de fait le chef. Comme il a dû mal à recruter des employés locaux, Keith a alors l'idée de faire venir 4 000 hommes, des Jamaïcains, quelques Italiens et des Chinois. 

    En 1882, le gouvernement costaricain est en défaut de paiement. Il ne peut plus assurer la construction du rail. Plutôt que de jeter l'éponge, Keith emprunte sur ses propres deniers et continue la construction à marche forcée. Parallèlement, il propose un contrat au gouvernement. Le "Soto-Keith contract" (Soto est le nom du chef du gouvernement) signé en 1884 est un accord historique. Il fait de Keith le propriétaire de 5 % du territoire costaricain.

     

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    Le parc Braulio Carillo entre San José et Limon donne une idée de "l'enfer vert" qu'ont traversé les Jamaïcains

     

    Cet accord a maintes fois était discuté par les historiens. La corruption du gouvernement a souvent été évoquée. Il est difficile de juger avec le recul du temps. Il n'y a aucun doute qu'il existait une proximité sociale entre Keith et les membres du gouvernement. En 1883, Keith se marrie avec la nièce du président de la république et cousine de Soto.

    La construction du rail est compliquée par l'acheminement des vivres. Keith a alors l'idée de faire venir des canaries des bananiers qui sont plantés le long de la voie pour fournir de la nourriture aux hommes.  

    En 1890, la construction du rail est -enfin !-  achevée, presque 20 ans après son commencement.

    Mais les droits de passage recueillis par Keith, pour les voyageurs et les marchandises sont insuffisants pour rembourser son investissement. C'est alors qu'il a l'idée de se tourner vers le commerce de la banane. Après avoir achevé la construction du rail, Minor Keith envoie ses ouvriers dans des bananeraies. Des villages se construisent sur la côte. Très vite, l'activité devient très rentable. Les bananes sont envoyées de Limon à la Nouvelle-Orléans où elles ont un succès fou. Keith n'abandonne pas totalement la construction de chemins de fer, il rêve de relier le Guatemala au Canal de Panama (la construction s'achèvera après sa mort), ouvre une mine d'or en Guanacaste et fonde la Torpical and Trading transport company.

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    Plantation de bananes près de Puerto Limon

    Le commerce fonctionne si bien qu'il propose à d'autres pays la culture de la banane, au Panama, tout proche, et en Colombie, où il obtient du gouvernement des exemptions de taxes, des terres et divers avantages. Si bien que sa compagnie règne sur tout l'amérique centrale. Cependant en 1899, il est forcé de s'allier à son concurrent, la Boston Fruit Company. L'entreprise, la première grande entreprise internationale devient la tristement célèbre United Fruit Company. C'est à elle qu'on doit l'expression "république bananière", ce mélange entre intérêt privé et intérêt public.

    C'est donc pour le café que le rail a été construit et pour la banane qu'il a été exploité. La ligne San José-Limon a été fermée suite au tremblement de terre de 1991. Le Costa Rica est le 3e producteur de café au monde et même s'il n'aime pas trop le souligner, la banane est le produit le plus exporté du pays. Sa culture est particulièrement compliquée et souvent toxique. Les plants ne se reproduisent que par boutures. Comme il s'agit de plants sélectionnés et dérivés de la plante originale, ils sont très sensibles, et notamment aux champignons. En 1920, le Costa Rica a perdu tous ses plants suite à une épidémie. C'est à cette époque que les ouvriers de Keith ont déserté les plantations et ont commencé à s'installer sur la côte où ils sont devenus pêcheurs, agruculteurs et se sont mélangés au premiers habitants, les indiens Bribri qui eux-seuls peuplaient ce territoire.

    Aujourd'hui, c'est un mélange subtile de ces deux cultures que l'on retrouve. L'influence de la culture espagnole est contrairement au reste du pays, très faible.  

     


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