• Que faire de nos déchets ?

    Ce n'est pas une question habituelle. En général, on trie les ordures et on les dépose dans un bac et des gens, qu'on voit une fois par an pour les calendriers, viennent les ramasser. Si sous les pavés, il y a la plage. ici, derrière la plage, il y a les poubelles...

     

    La plupart du temps, nos déchets ne nous posent pas de problème. Quantité, typologie, on ne se pose jamais la question de leur devenir parce qu'ils sont évacués simplement. On supppose qu'ils servent ensuite de combustible de chauffage comme c'est le cas à Rouen pour les ordures ménagères, ou qu'ils sont recyclés, quand on les a préalablement triés.

    Si l'isolement a son charme, il s'accompagne aussi de désagréments : éloignements de centre de secours et d'hôpitaux (quand ils existent), absence de voirie, de commerces et de ramassage des ordures.

    Dans notre première maison, à Cabuya, ça semblait un sujet épineux. La maison de Cabuya a été construite par Jacob et Noa, un couple d'israéliens installés depuis 9 ans au Costa Rica. Le chemin qui menait à la maison n'était pas répertorié (il faut dire que seule la rue principale l'était) et lorsque Noa nous a présenté la maison, elle nous a expliqué que le gouvernement ne faisait pas le ramassage des poubelles. Il fallait donc mettre tout ce qui est déchets organiques au fond du jardin "pour qu'ils puissent être mangés par les animaux". Le reste devait être placé dans une grande poubelle. On pouvait faire le tri si on voulait. Noa venait relever les poubelles toutes les semaines environ (deux fois en un mois en réalité).

    Nous avons compris que les villageois s'étaient plus ou moins organisés pour collecter les ordures. Un type passait toutes les semaines avec un énorme camion grillagé. Il chargeait les poubelles de la ville, enfin, de ceux qui s'étaient ainsi organisés, c'est à dire, je suppose, de ceux qui payaient cette personne pour collecter leurs poubelles. Au vu de plusieurs jardins, il semble que tout le monde ne participait pas à cet élan. Une fois plein, le camion partait en direction de Cobano - la ville dont dépend Cabuya et qui est situé à 30 km (1h en 4x4). On espère que c'était effectivement le cas et qu'il ne s'arrêtait pas en chemin pour se délester de sa marchandise...

    A Montézuma, il y avait bien des poubelles publiques dans la rue - ce qui après avoir vu plusieurs villes, dont la capitale, est suffisament exceptionnel pour être souligné. D'autant que c'était des poubelles proposant le tri sélectif. Le village de Montézuma a peu à peu grandi entre le milieu des années 1970 et le début des années 1980. A cette époque, on y croisait beaucoup d'anciens hippies et des vétérans du Vietnam. L'ambiance est restée très baba-cool. Ainsi, il est très probable que l'initiative d'avoir des poubelles publiques vient du village lui-même plus que du gouvernement. Administrativement, le village de Montézuma dépend lui aussi de Cobano. Malgré cela, le tri sélectif est très alétoire et les poubelles débordent souvent...

    Pendant ce mois à Cabuya, nous nous sommes donc efforcés de faire le tri de nos déchets - qui d'ailleurs ne se limite pas aux poubelles : au Costa Rica, seuls 4% de l'eau rejetée sont retraités, ce qui signifie que 96 % de l'eau utilisée par les humains est rejetée telle qu'elle dans le milieu, la terre ou la mer. En pratique, c'est assez simple, si on est dans un bon quartier de San José ou à Jaco (le Cancun du Costa Rica...), l'eau est traitée. Partout ailleurs, elle est puisée telle qu'elle (non potable selon nos critères habituels) et rejetée avec addition de produits issus de l'activité humaine.

    Naturellement, tout ceci nous amène à nous interroger sur nos déchets, sur ceux que nous produisons et sur ceux que les fabricants et producteurs produisent pour nous et dont ils nous transfèrent la responsabilité...  

    A Cabuya, par exemple, nous ne pouvions pas mettre de papier dans les toilettes. Il fallait les mettre dans une poubelle à côté des toilettes et vider cette poubelle régulièrement. Noa nous avait demandé de placer ensuite ces déchets dans la grande poubelle. Cette solution n'était pas la meilleure.

    Lorsque nous sommes arrivés à Criquebeuf, nous avons très vite acheté un composteur de 600 L puis un second. En deux ans, nous avons fait le plein trois fois soit 3 600 L de déchets organiques de toute sorte : des os de poulets en passant par les épluchures de légumes, les coquilles d'huîtres (mieux vaut les passer à la tondeuse avant...), les bouchons de vins ou encore les cartons de rouleau de papier toilette biodégradables ou encore les couches compostables de Jules quand les couches lavables manquent (c'est très long à composter.). Ca marchait plutôt bien. Trois mois avant de partir, nous avons arrêté parce que c'est le temps nécessaire à la fabrique du compost. Cet arrêt nous a permis de voir une différence.

    Avec compost : 1 sac de 20 litres par semaine.

    Sans compost : 3 sacs de 20 litres par semaine.

    Bien sûr dans tout cela, il y a sans doute beaucoup de gâchis, mais c'est assez incroyable de voir la quantité de produits qui peuvent être compostés.

    Si nous avions eu le même système à Cabuya, j'aurai ajouté le papier toilette et au final, ce serait une bonne solution. 

    Si je raconte tout cela, c'est que je ne suis pas certain que la solution de donner tout ce qui peut se manger aux animaux soit une bonne solution. Ca ressemble davantage à une manière de se débarasser de produits qui inévitablement sous les tropiques vont :

    - Sentir très très mauvais ;

    - Attirer des bêtes ;

    - Créer d'autres organismes vivants (vers, insectes, ...) et tout cela en très très peu de temps.

    D'un autre côté, donner à manger aux animaux n'est pas une bonne solution parce que :

    - Leur organisme n'est pas adapté pour assimiler de la nourriture transformée (il est difficile de trouver aujourd'hui un aliment qui n'a pas reçu sa petite dose d'additif, à tel point que goûter des produits natures peut se révéler bizarement très mauvais au goût) ;

    - Les animaux sauvages ne savent pas toujours faire la différence entre ce qui est bon ou pas pour eux et contrairement à nous, la nature n'offre pas de second chance : si vous êtes malades ou faibles, vous êtes déjà un peu morts :-) ;

    - Les animaux sauvages sont habitués à faire un effort pour chercher de la nourriture. En leur offrant, ils se retrouvent dans une situation de dépendance vis-à-vis de l'homme. Celle-ci peut être dangereuse. Si Noa n'a pas loué sa maison pendant les semaines suivantes, qu'est-il arrivé aux iguanes et aux oiseaux qui venaient manger nos restes ?

    A Montezuma ou au parc Cabo Blanco des panneaux rappelent (bizarrement uniquement en anglais) qu'on ne doit pas donner à manger aux animaux.

    Les costaricains semblent avoir deux solutions à ce problème : abandonner leurs déchets (chez eux ou devant la porte) ou les brûler.

    Ainsi au début, ça surprend. On voit des fumées très fumigènes s'élever dans le ciel. L'odeur, aussi : âcre et désagréable du plastique qui vous prend à la gorge. Les résidus, enfin, ces matières gluantes et noires où se mèlent plastique fondu, acier carbonisés et déchets verts et qu'on trouve sur le bord des routes. Pas une journée où l'un de ces trois phénomènes nous ramène à cette étrange question : que faire des déchets ?

    Personne ne peut imaginer que ces nuisances n'auront aucun effet sur l'air, l'océan, les eaux souterraines, la qualité des sols. Comment par exemple faire quand on jette une pile ? Le problème n'a pas l'air de soucier grand monde. A voir notamment notre voisin actuel brûler tous les jours ses ordures ou celui d'avant confier cette tâche à sa jeune fille... Plus le temps passe et plus les produits sont manufacturés, transformés et en définitive très difficile à recycler.

    En attendant mieux, nous continuons à trier nos déchets sans trop d'illusion sur leur devenir. Ainsi dans la maison de Puerto Viejo, quand j'ai évoqué les ordures ménagères, Michela, l'italienne qui nous louait, m'a précisé qu'il n'y avait pas de ramassage dans notre rue, mais qu'elle se chargerait de collecter nos poubelles et de les déposer devant son restaurant où un camion passait. J'ai demandé si on pouvait faire du tri. elle a répondu avec une sorte de sourire ironique que oui. Trois jours après lorsque quelqu'un s'est présenté pour venir chercher la poubelle, j'ai compris le sourire. Le gars a pris l'ensemble, l'a fourré dans un seul sac et m'a balancé un "Pura vida" en partant. La classe.

    Le mot français "Géhenne" qui signifie "enfer" vient de l'hébreu "Gei ben Hinnom" - soit la vallée des fils d'Hinnom. Dans la Bible, ce lieu fait référence à une vallée où des hommes se sont prêtés à des pratiques idôlatres. Le lieu qui existe réellement au sud de Jérusalem servait également pour brûler les ordures ou pour isoler les pestiférés. Les livres apocryphes disent que c'est là que Judas se serait donné la mort après sa trahison. Chargé de toute cette symbolique, le lieu est devenu synonyme d'enfer notamment parce qu'il est dit que là-bas, "la flamme ne s'éteint jamais" et qu'elle était perpétuellement couverte d'une fumée pestilencielle.

    Chaque fois que la fumée âcre nous vient aux narines, l'idée me revient qu'enfer et paradis ne sont pas si éloignés...

     

    Que faire de nos déchets ?

    San José, au bord de la route

     

    Que faire de nos déchets ?

    San José, dans le centre, terrain vague au milieu des habitations (au fond à droite on aperçoit le musée des enfants)

     

    Que faire de nos déchets ?

    La magnifique plage de Cabo Blanco... J'y ai trouvé un pneu de tracteur, des pneus de voitures, des centaines de bouteilles en plastique. Sur la plage, j'ai trouvé deux rasoirs jetables. Lorsque les miens seront usés, je n'en rachéterai pas.

     

    Que faire de nos déchets ?

    Notre jeune voisine (une dizaine d'années) à Puerto Viejo de corvée de brûlage.

     

    Que faire de nos déchets ?

    Au bout de notre chemin à Cahuita


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